Le geste précis – Interview de Deborah Beyne de FrenchFabrik

Le geste précis – Interview de Deborah Beyne de FrenchFabrik

« Le travail de création de l’Homme, soutenu par son génie technologique, son geste précis, son habileté manuelle, fait partie intégrante de la dynamique de la Nature. »

deborah_beyneDeborah Beyne est mosaiste. Elle réalise des bijoux, des fresques et des pièces plus importantes. Passant de l’os à l’email au gré de ses envies, cette femme de tête est une personnalité que l’on n’oublie pas. Originaire d’Inde, elle a été D.A., graphiste, professeur, auto-entrepreneur. Elle a répondu à mes questions avec enthousiasme.

Que vouliez-vous devenir lorsque vous étiez enfant ?
Chirurgien des grand brûlés. Ça c’est de l’art. Quand j’étais adolescente j’ai perdu un ami qui est mort dans de grandes souffrances. J’imagine que j’aurais aimé l’aider.

Comment votre projet est-il né ?
Teothiwakan m’a inspiré. C’est un site mexicain, un temple du soleil. C’est très inspirant pour mon travail cet endroit qui rassemble le sable, la pierre naturelle et la pierre taillée. C’est …comment le dire en français..tellurique.
Mon travail se concentre sur les 4 éléments : Terre, Feu ; Air, Eau.

Aujourd’hui je développe un site FrenchFabrik qui reprendra mes travaux.

Depuis combien de temps fais-tu ce travail ?
J’ai débuté en 2005. Je n’étais pas du tout épanouie dans mon travail. Aujourd’hui on parle de Burn-Out mais à l’époque le mot n’était pas aussi « populaire ». Je n’avais pas le temps de suivre une réelle thérapie mais je ressentais le grand besoin de me détacher de la communication pure telle que je la pratiquais au sein de agences.
Je me suis mis à fond dans l’activité de céramiste. C’est devenu une auto thérapie ça fonctionne encore encore aujourd’hui. Je me suis littéralement oublié, ou du moins j’ai oublié mes difficultés, j’ai oublié l’heure, je me suis plongée dans le travail de mes mains

Quel est votre processus de fabrication ?
Le matériau m’inspire. Je ne fais pas de dessins préparatoires, si la matière est volumineuse, je tourne  autour. Avec un  tas de sable par exemple, je vais faire des cercles autour avant de le toucher  mais rien ne se fait à plat.
Je veux le rendre vivant. Pour être plus précise, le matériau est là, et après seulement je décide ce que je vais en faire. Je ne vais pas chercher le matériau, le plus souvent il vient à moi. Par souci d’économie d’abord. Puis par curiosité.

« J’épouse le challenge ».

Pour moi la création EST la Fabrication.

Y a t’il des choses que vous avez eu du mal à apprendre ou à  assimiler ?
Tout !  C’est le problème de l’autodidacte. Je n’ai pas eu de professeur mais une petite formation Raku m’a néanmoins donné de bonnes bases techniques.
Cela reste difficile de s’auto-discipliner. Mais je peux passer toute une nuit s’il le faut.  Etre vraiment obstinée pour obtenir ce que je veux.

Quelle est le projet ou la production dont vous êtes particulièrement fier ?
Mon projet favori fut une douche belle fonctionnelle. Avec un retour extrêmement positif.
Projet bien évidemment non payé, et il m’a fallu cinq semaines pour l’achever.

 

Quel est votre outil favori ?
La question et trop courte. Tous les matériaux sont nobles de ma pince japonaise à la terre que j’utilise aux carreaux de céramique je choisi. En ce qui concerne les outils j’aime beaucoup mes gants en cote de maille qui me protègent. Autrement je n’en porte jamais.
Les matériaux eux,  ils sont détournés : le couteau de la cuisine, la feuille morte, la dentelle, ça dépend de l’influence sous laquelle je suis au moment où je crée.
Par contre les nettoyer …alors ça ça m’embête! mais on est obligé ce sont nos compagnons de tous les jours.
Mais mon outil favori reste la main sans gants. Quand mon biceps contrôle la pression et que je peux retenir mon geste.

Quelle est la partie de votre corps la plus sollicitée lorsque vous travaillez ? En prenez vous un soin particulier ?
Je vais souvent chez le kiné car je souffre. Je me crée des mal de dos avec la taille des pièces de mes céramiques je ne suis jamais assise.
Le flux passe par mes doigts dans la pièce  où je travaille et ce flux est coupé si je suis assise ;  alors j’accepte mon mal de dos.
D’ailleurs un bon conseil si tu veux adopter ton plan de travail d’abord tu le testes!

Y a t’il une personne à remercier pour sa transmission de connaissance ? Pourquoi ?
Je suis et reste autodidacte mais je crois qui c’était important de prendre un cours un mauvais geste est difficile à corriger. Et puis il ne faut pas abandonner son projet on finit toujours par y arriver.

La meilleure partie de ton travail ?
Je ne crois pas qu’il y ait de mauvais projet. Le fil conducteur c’est moi. Les bijoux, la céramique,  la mosaïque forment le triangle de mes activités.
J’ai foi dans le figuratif est dans son élégance je parle à voix haute à ma céramique jamais mon ordinateur. Je salue mes outils.

Bref j’y mets de l’intention positive.

Je crois à l’énergie. Je crois que je peux dire à la scie à ruban de ne pas me couper.
C’est une forme d’animisme. Naturellement je ne suis pas une solitaire,  en tout cas je n’en ai pas l’âme.

Qu’est ce qui vous fait avancer ?
Et bien, ce Quality Time n’appartient qu’à moi. je n’ai pas de comptes à rendre sur mon ressenti. Je n’ai pas à dire ce que je fais. Il y a certaines céramique que je ne montrerai pas! je sors mes boyaux je pleure. Mon psy c’est la terre.

deborah-beyne-_-rakuQue penses-tu des robots?
En ce qui concerne les nouvelles technologies l’impression 3D? Je ne la comprends pas ça me frustre et ça me fascine. Comme je crois à la noblesse des matériaux et que chaque matière vit à sa manière j’ai peur du métal car il est plus fort que moi je comprends la gravure à haute pression. Je ne trouve pas le plastique assez noble. Le plus grand c’est le bois il est facile à travailler. Non pas de réponse à votre question cette fois.

Comment définiriez vous le succès ?
Je n’ai pas de succès car je ne trouve pas ce que je fais extraordinaire j’ai toujours une impression d’hypocrisie quand les gens sont trop sympathiques sur mon travail. Mais c’est important que les proches me fasse confiance.

Le côté commercial quand à lui, est tellement délicat. Pourtant la demande ne changerait rien. Et la démarche commerciale c’est est difficile pour moi.  ma commande-la commande,  c’est ce que les gens veulent et c’est très différent de la démarche artistique je dois travailler pour lutter contre mon amertume.
Je suis frustrée aussi par le nombre d’idées qui me viennent et ce goût du luxe de l’irréalisable alors je prends des notes.

Je me suis fait copier en ayant cette impression d’être piégée par le système. Mais être indépendant c’est être précaire alors je vis par la reconnaissance des clients, par le geste précis qui est celui de l’esprit. C’est une façon de vivre différentes qui se traduit avec les mains, un outil, une matière.

Un dernier mot ?
Merci, et longue vie à ton blog !

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