Du toucher au geste technique : la « technè des corps »

Du toucher au geste technique : la « technè des corps »

Cet article, ici résumé, nous explique analyse ontologique* du geste technique à partir de considérations paléontologiques et philosophique. (attention c’est ARDU et demande de la concentration  🙂

18092787-creative-brain-idea-concept-with-modern-design-template--infographics--numbered-banners-vector-illusLe geste technique peut être pensé comme l’articulation d’une défaillance à une ouverture. La défaillance d’un corps « sans qualité » et l’ouverture qui, avant même de s’inscrire dans une extériorisation par l’outil, passe par une plasticité ou, pour parler comme Merleau-Ponty, par une « saisie des coexistences » propre au toucher. L’efficacité de la technique, la maîtrise du geste puis de l’environnement, l’organisation prothétique du corps repose avant tout sur une plasticité qui permet à l’homme de sortir du strict fonctionnement biologique. C’est en cela qu’il existe, qu’il se tient en dehors des limites de son corps, qui, mystère des origines, est devenu progressivement un organe de perception capable de se réfléchir dans la matière jusqu’à la transformer, jusqu’à modeler une technicité organisée de manière unique au sein du vivant : l’« écotechnie des corps ». C’est en ces termes que Jean-Luc Nancy désigne les corps articulés par la technique, intégrés dans un système d’appareillage qui fait du corps humain un corps connecté, impensable sans ses outils.

Tout geste est-il donc d’abord un geste technique ?

Cet article propose une analyse ontologique du geste technique à partir de considérations paléontologiques et philosophiques – notamment le concept d’imagination matérielle développé par Gaston Bachelard – avec pour point de départ le sens du toucher comme origine de la prothéticité de l’être humain, et un questionnement sur les limites de ce corps « dressé », dont la maîtrise, ainsi que celle de son milieu, est un enjeu de pouvoir et d’existence, mais aussi un risque.

TEXTE INTEGRAL :  http://revues.mshparisnord.org/appareil/index.php?id=1315 par Patricia Ribault

Notions essentielles du texte : (citations)

  • la technique comme moyen de pouvoir : moyen d’action et verbe
  •  Les sociétés imposent aux individus un usage déterminé de leur corps au profit d’une adaptation permanente de notre corps à l’usage. On peut  parler de « dressage »
  • Les gestes du métier sont appris, intériorisés et employés selon le même processus que n’importe quelle autre « technique du corps ». Il n’y a de différence que dans la spécialisation et l’intensité de la formation.
  • Un geste technique est un geste nécessairement maîtrisé.
  •  Une technicité qui devient aussi une identité
  • Il n’y pas de geste qui soit purement manuel sans une relation de complémentarité avec un travail intellectuel
  •  Les artisans recherchent sans cesse de nouveaux matériaux ou de nouveaux coups de main, gestes, ou astuces qui leur faciliteront la tâche. Pourtant, dès qu’il s’agit d’introduire une innovation « un peu trop nouvelle » ou théorique dans leur travail, ils se montrent souvent réfractaires, car l’habileté naît de l’habitude et de la répétition, créant un équilibre que la nouveauté met en danger.
  •  Le geste technique vise la maîtrise  alors que le geste artistique cherche l’œuvre.
  • Le toucher est le seul sens par lequel notre rapport au monde nous échappe.
  • Le toucher relève de l’émotion, qui porte en elle la dynamique du mouvement. Fondamentalement, la relation à la matière est donc un lien émotionnel.
  • La main agit donc comme un intermédiaire entre la conscience et l’altérité, elle va chercher le monde au dehors de la corporéité humaine et tente d’incorporer la distance qui existe entre l’autre et soi.
  • La main en tant qu’organe, n’est pas soumise au cerveau, elle remplit une ou plusieurs fonction(s), au même titre que les reins, les genoux ou la langue. En revanche, son activité, ses gestes et sa mémoire dépendent bien d’un siège nerveux situé dans le cortex, qui envoie des ordres, que la main exécutera plus ou moins bien, car dans son épaisseur charnelle, elle résiste à la pensée, ou du moins, elle l’interprète.
  • La main qui touche cède le pas aux mains qui prennent.

brain-bodyConclusion de l’article : Ainsi, le geste technique s’inscrit paradoxalement dans une logique biologique de libération qui le conduit pourtant à une dépendance unique dans le règne du vivant à ses prothèses, posées hors de lui et soumises elles-mêmes à une évolution qui se rejoue à chaque génération qui s’en saisit. Ses stratégies d’adaptation, qui ont fait de lui l’animal technicien le plus puissant de tous, sont donc autant de chances et de pièges, qui lui offrent tour à tour la possibilité de créer ses propres conditions de vie, de jouir d’une liberté inégalée et inégalable par rapport au milieu dans lequel il évolue, et qui risquent à tout moment de l’en déconnecter. Gageons cependant que l’être « ouvert » saura une fois de plus trouver le moyen de préserver sa démiurgie sans pour autant devenir un intrus dans son propre monde.

 

* L’ontologie (grec ontos, l’être ; grec logos, discours, science) : comment l’individu parvient à la conscience de soi, puis à l’Etre.
Partie de la philosophie qui a pour objet l’étude des propriétés les plus générales de l’être, telles que l’existence, la possibilité, la durée, le devenir.

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