La création: processus alchimique pour transformer votre merde en or

La création: processus alchimique pour transformer votre merde en or

Voila dans son intégralité un texte de Hugues Fléchard, pilier de l’association Kino, scénariste, réalisateur, acteur, bref slasheur de talent.
Son texte publié en post facebook   fait résonner le geste précis avec humour. 

Merci Hugues de si bien écrire!

« Alors voilà, je mets un certain temps avant de lire, voir, écouter un truc dont tout le monde parle parce que je tiens pour acquis que je ne peux me faire une opinion de quelque chose que lorsque cette chose tombe dans l’oubli. Et, par chance, ce temps devient de plus en plus court. Là, il s’agit du documentaire que Blaq out a sorti dans une superbe édition de Frank Pavich et qui s’appelle tout simplement Jodorowsky’s Dune. Pour celles et ceux qui n’auraient pas suivi, dans les années 70, Alejandro Jodorowsky, scénariste, réalisateur, romancier, poète, décide d’adapter la série de livres de SF « Dune » de Frank Herbert. Pour cela, il va créer une armée de guerriers dont les noms font encore rêver aujourd’hui : Moebius, Dan O’Bannon, H.R. Giger, Chris Foss, Dali, Orson Welles, Amanda Lear, Magma, Mick Jagger, etc. Après plus de deux années d’une aventure incroyable, le film ne se fera pas parce que les producteurs hollywoodiens auront peur de Jodorowsky. Alors que Jodo et Moebius commenceront l’Incal, puis, les méta barrons (avec Gimenez), continuant ainsi la création de son Dune sous une autre forme, l’équipe constituée par Jodo suivra une autre voie ciné : Giger et O’Bannon pour alien, par exemple. L’oeuvre de Dune par jodo aura pris la forme au départ d’un énorme bouquin qui deviendra une bible façonnant sans le dire l’avenir de la SF au cinéma, en littérature et en BD dont on vit encore les effets aujourd’hui. Mais la grande leçon de cette histoire, c’est que l’acte de création ne meurt pas, il prend d’autres formes. Il faut voir Jodo à 84 balais dire qu’il faut avoir l’ambition de vivre 300 ans, par exemple, même s’il ne vous reste qu’un an à vivre, parce que ce qui compte, ce n’est pas d’atteindre les 300 ans, mais c’est d’essayer. Celles et ceux qui font des kinos devraient en prendre de la graine, au besoin. Mais celles et ceux qui prétendent à la création devraient surtout avoir cette ambition. Aucune oeuvre que l’on tente ne peut mourir. Elle prend d’autres formes. Et pour cela, il faut y croire. Il faut avoir quelque chose à dire, et surtout quelque chose à dire qui soit ambitieux, qui change notre perception, qui change notre vision de la vie, qui change la forme de notre planète, de notre univers, de notre dimension, de nous-même. La création
c’est le processus alchimique par lequel vous transformez votre merde en or.
Il n’y a pas beaucoup de débats dans lesquels je prends part parce qu’à chaque fois, je sens que je vais finir par dire une banalité et d’entendre ces petits mots marcher tranquillement vers une bataille dont il ne sortira pas grand chose me fatigue, me lasse. J’aimerais que les mots servent une toute autre ambition. Celle de la transformation. La vôtre, la mienne. Il n’y a que cela de vrai. Si je co
mpte trois secondes dans ma tête avant d’écrire un truc, ou dire quelque chose et que je me dis : « est-ce que cela va changer ma perception du discours, ou celle de mon interlocuteur ? » et que la réponse est non, pourquoi me fatiguerais-je à me fatiguer par mon propre propos ? Si j’ai envie de vous dire que je me brosse les dents mais que je trouve cela aussi inintéressant que vous en train de lire cette phrase, quel est l’intérêt, n’est-ce pas ? Mais si je vous dis que je me suis brossé les dents ce matin et que le mouvement de ma main, cette mécanique bien huilée par les années, m’a soudainement parut étrangère. Le va et vient de la brosse, la gueule ouverte et la mousse qui blanchit en faisant disparaître les stries bleues de la pâte à dentifrice, le goût mentholé qui pique les papilles, le vide du regard parti ailleurs pour laisser le corps faire sa gymnastique, tout cela prend un autre sens. Je laisse reposer l’esprit sans m’en rendre compte. Comme une séance de méditation. Et si les gestes mécaniques, ceux du quotidien, étaient une manière déguisée de retrouver les rites ancestraux de la méditation ? Après tout, ne demande-t-on pas dans certains monastères zen de prendre l’eau du puits au bas de la montagne pour arroser à l’aide d’une louche en bois, les pavés du chemin qui mènent à l’entrée du sanctuaire ? L’acte de création est de donner aux yeux de tous ce qui n’apparaît plus dans le regard de chacun. Et s’il s’agît d’un rêve, mon ambition sera de toujours trouver un moyen de le partager avec vous. »
Si vous aimez ce texte, allez voir ses films et visiter sa dernière abberation: https://www.drunkuniverse.com/

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