La poignée de main vivante de Paul Celan

La poignée de main vivante de Paul Celan

Paul Celan, de son vrai nom Paul Pessach Antschel ou Ancel, est un poète roumain d’origine juive et de langue allemande. Son oeuvre est originale et marquée par sa vision du métier de Poète.

Photgraphie de Paul Celan

Dans la lettre à Hans Bender, Paul Celan explique sa vision. Il écrit que seules de vraies mains peuvent écrire de vrais poèmes et ne voit pas de différence de principe entre un poème et une poignée de main. Le poème est une poignée de main, offrant quelque chose d’inconnu à quelqu’un d’inconnu, abandonnant le contrôle et l’intention dans un acte absolu de don.

  »Seules de vraies mains écrivent de vrais poèmes. Je ne vois pas de différence de principe entre une poignée de main et un poème. »

Le thème récurrent des mains dans l’œuvre de Celan évoque l’éthique et le destin. La main est unique aux humains et appartient à un seul individu unique et mortel. Heidegger a parlé de « l’être de la main ». La main de l’homme est différente de tous les autres organes de préhension en raison de l’abîme de son être, la parole et la pensée. Seul un être qui parle et pense peut avoir la main et accomplir des œuvres avec elle.

Dans l’écriture, en travaillant sur les mots et sur soi, l’homme produit son destin face à l’abîme. La main est donc à la fois destinée dans l’écriture de Celan et adresse à l’autre. La poignée de main lie ainsi le destin personnel de celui qui écrit et celui qui cherche la main, le destinataire. Dans la poignée de main, il y a plus qu’une simple adresse.

Dans ce geste de jointure, la main ne serre pas n’importe quelle autre main, mais une main amie et fraternelle. Le poème ne peut s’adresser qu’à ceux qui y sont attentifs. La main vraie trouvera l’autre main, celle qui prendra en gage le poème. Le poète ne cède pas à la facilité de viser un public particulier ni à la solitude. Son audace est de suivre ce chemin étroit pour que le destin soit reçu. La poésie de Celan comporte une position éthique double : fidélité à soi et attention à autrui.

En ce mois de Mars 2022, Le philosophe coréen Byung-Chul Han propose une méditation à partir de ce concept du poète : cette image résonne avec notre situation : la pandémie, en généralisant la « zoomification » des relations humaines, a poussé à un niveau inédit la disparition de l’altérité que provoque la numérisation de notre société. Byung-Chul Han actualise sa réflexion critique sur notre condition contemporaine. Et trace, sans optimisme, un horizon pour renouer avec la « magie de la présence » qui, seule, à le pouvoir de nous rendre vivants.

Byung-Chul Han : de la poignée de main (socialter.fr)

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