L’art de la scarification
Dans son ouvrage « la scarification comme œuvre » la directrice de recherche au CNRS, Michelle Coquet raconte de manière explicite et habitée, les enjeux de la scarification dans la société Bawba, au Burkina Faso. A travers ce texte et par ses recherches en Afrique subsaharienne elle a été emmenée à reconsidérer la question des pratiques graphiques là où ne règne pas l’écrit, en particulier à travers l’étude des compositions scarifiées sur les corps.
En 2022, où la femme « sorcière’ est en vogue en tant que femme reconnectée à son corps, à son univers et à la Nature sacrée qui l’entoure, il semble que les forgeronnes du Burkina fassent partie de cette sororité et incarne cette vision.
Le lien pour lire l’article dans son intégralité : https://doi.org/10.4000/gradhiva.2627
EXTRAITS :
La maîtrise du geste et sa matérialisation dans l’œuvre achevée prédisposent à l’admiration tout observateur ignorant des règles présidant à sa réalisation. Il y reconnaît la marque du métier, à savoir l’habileté et l’intelligence techniques que confère sa pratique lorsqu’elle s’inscrit dans la durée, mais n’en possède pas les secrets, ce qui accroît en proportion son émerveillement. À titre d’exemple, je rappellerai que, chez nombre de nos contemporains, cette identification est en grande partie à l’origine de l’engouement pour les œuvres d’art classique où la marque du métier est immédiatement intelligible.(…) A l’inverse, lorsque l’identification du métier devient impossible, comme c’est souvent le cas dans les œuvres d’art contemporain où l’artiste choisit de ne plus rendre perceptible une quelconque compétence technique, voire de la dénier intentionnellement, l’incompréhension et le rejet s’installent.
L’autrice s’intéresse aux critères d’évaluation d’un geste technique singulier, le marquage des corps par scarification tel qu’il se pratiquait dans toute l’Afrique subsaharienne, et aux conditions de sa réalisation. Compte tenu de la spécificité des œuvres graphiques ainsi obtenues – prenant forme non en surface d’un objet inanimé mais dans un corps de chair vivant et souffrant –, d’autres éléments que l’excellence technique et les mystères entourant leur exécution façonnent la perception qu’en ont les intéressés. Celle-ci passe par l’expérience de la douleur physique et de la souffrance morale. Il faut que ces épreuves aient été dignement surmontées pour qu’advienne la reconnaissance des qualités esthétiques du geste du graveur de peau et de son œuvre. Les marques de la douleur endurée, visible et quantifiable par le nombre des scarifications, provoquent l’admiration lorsqu’elles sont abondantes, révélant la teneur du courage et de la volonté de celui qui les reçoit. Le sentiment de la beauté naît alors de la conscience que ces deux dispositions sont réunies, tant chez celui qui agit que chez celui qui subit.